Michel Chapoutier décrypte le marché du vin

Des habitudes de consommation qui évoluent, une nouvelle génération qui donne le « LA »…. Le marché du vin est en pleine transformation. Michel Chapoutier le décrypte.

On le voit nettement : la consommation de vins rouges diminue. Quand j’ai commencé ce métier, nous en étions à 100 litres de vin par habitant et par an. Aujourd’hui, c’est 37 litres et beaucoup moins pour la nouvelle génération.

Je ne crois pas à la déconsommation définitive du vin rouge. Les nouveaux consommateurs de boissons ont toujours consommé des boissons fraîches qui sortaient du frigo. Pour exemple, le soda, la bière, les crémants, les effervescents, et aussi les blancs et rosés. Tandis que les rouges traditionnellement ont toujours été dégustés à température ambiante d’où leur déconsommation. En effet, pour cette nouvelle génération, les boissons « non-premium » se consomment fraîches, en dessous de 14/15°. Par exemple, les deux régions qui ont su servir leurs vins rouges frais en glace (Alsace et Loire) ont une forte demande de vins rouges et n’en ont pas assez.

Parallèlement, on observe que les grands crus rouges sont moins pénalisés. Le vin n’étant pas un produit de première nécessité, on se dit : « Je continue de boire du bon vin, mais j’en bois moins souvent ». Mais ce retournement de marché, c’est un challenge et aussi une opportunité.

Regardons les choses en face. Dans la restauration, à côté de la gastronomie existent la bistronomie et les tapas. Dans la musique, à côté de la musique lyrique et le classique il y a le disco. On a endimanché le vin, comme si tous les producteurs aspiraient à être au plus haut dans la hiérarchie des AOP. On a oublié qu’à la base, le vin est d’abord une boisson et que l’on peut aussi faire des vins décontractés. Le vin est le premier produit qui a fait la différence qualité et quantité. À l’époque l’indice de la qualité était le degré d’alcool. Plus il y avait d’alcool meilleur était le vin, c’est pour ça que les vins rouges étaient servis à température ambiante.

Comme les restaurateurs gastronomiques qui ont créé leur bistrot juste à côté, notre volonté chez M. CHAPOUTIER, c’est d’aller à l’encontre d’un certain snobisme, défendre le binôme tradition et modernité. 

Vers 1998, j’avais pressenti la « montée » des blancs. Pourquoi ? Parce qu’il y avait déjà l’envie de boire plus frais. En 2008, même chose avec les rosés. Et le constat est là…Accompagner une viande d’un verre de rosé est entré dans les usages.

Il ne faut pas avoir peur de bousculer. Demain les vins rouges légers devront être vinifiés dans l’idée qu’ils seront servis frais et en glace. « On the rocks » ou « In the rocks ».